Voici à cru, un texte que j’ai rédigé pour Fête locale, un livre de
Marine Peixoto. Je vous invite à découvrir son travail ici.
Plus loin dans ce livre, la photo de la chaussette me replonge dans l’embarrassant souvenir de nos têtes nues douchées par la pluie, à l’époque où nous pensions grandir grâce aux cheveux mouillés. L’innocence d’alors pilotait nos coeurs à braver les parents, la nature et la capuche, dans un chavirement excessif d’amour-propre. En théorie, le court passage d’une vie dans les torrents suffirait à prouver que, comme les dieux, on ne fond pas sous l’eau. Mais, l’enfant qui délire un monde fait d’adultes s’offrants le bonheur de sortir aux premières gouttes sans parapluie, découvrira plus tard que le truc des cheveux mouillés ça ne fait rien pousser. Ça, comme pleins d’autres choses. À l’approche de sa mort, aux alentours de 70 ans, l’enfant comprendra aussi que boire de l’alcool, posséder des objets, avoir des certitudes ou des smartphones dans les chaussettes, ça ne transforme pas un être en individu responsable. Pourtant, toute la vie, il va y avoir des costumes, des accessoires, et l’on célébrera ces costumes et ces accessoires dans des réjouissances où s’immortalisent les plus belles et les plus beaux d’entre nous.
Dans Fête locale de Marine Peixoto on voit des personnes jouer avec des animaux. Lors des fêtes votives qui ponctuent le calendrier estival des villages du Languedoc, moyen de perpétuer la tradition taurine, on réveille les fiers-à-bras et les bêtes dont les membres se sont engourdis durant l’hiver. Les gardians à chevaux sortent les taureaux des enclos, enclos qui les protègent habituellement des humains, puis les acheminent par camions dans les ruelles où ils sont lâchés. Derrière des barrières les gens se protègent au passage des taureaux. Tandis que les plus fous s’interposent, et provoquent l’animal dans l’unique but d’en stopper la course. Cela s’appelle une enciero.
Originaire de cette région, j’ai, comme Marine, connu le folklore des taureau-piscines, des abrivado ou autres bandido. Nul besoin pourtant d’avoir gouté à tout ça pour trouver que dans cette série de photos, sous la bannière du folklore international, ce sont toujours les mêmes rites qu’on organise. Ici, à Saint-Gély-du-Fesc : se promener torse nu, rire fort, braver les taureaux, cerne d’un autre contour la farce du Naadam en Mongolie, ou encore des cérémonies de Teotihuacán au Mexique. Ce phénomène « devenir magique comme Johnny » est semblable dans toutes les strates de toutes les sociétés de la planète, et pour raccourcir la longueur de ma thèse sociologique, je dirais que chez l’être humain débute à douze ans la vie d’histrion qu’il s’est inventé. Pour preuve : celles et ceux qui désirent passer d’une réalité à une autre en Hérault ou dans le Gard ont jusqu’à cet âge pour devenir adultes. Dès lors, ils empruntent les apparats plus ou moins significatifs d’une tradition taillée au bulldozer, et pour en garantir la couleur Camargue, enfilent un smartphone dans la chaussette, qui, bien qu’il y ait une raison à cela pendant la campagne municipale, est ôté le reste de l’année. Ces ambianceurs du faux-sérieux je les croyais tout d’abord souverains. Par la suite je les ai connus faibles, démunis, dépossédés de toute richesse, et n’ayant pas le courage de les conserver dans mon coeur, je m’en suis détourné. Maintenant si je rentre petit au pays, c’est grâce au travail retenu que nous livre Marine. Ces photos veillent sur des habitants qui veulent être heureux le temps d’une fête, elles sont en l’état des objets d’une grande simplicité. Les choses qui apparaissent, demeurées pures, se détournent de toute ambition ; les observer reviendrait presque à en détourner le sens. Sûr alors, que toute cette population est en réalité merveilleuse, et que comme une forêt, il ne faut pas critiquer ce qu’elle fait, mais seulement regarder ce qu’elle est.
Dans Fête locale de Marine Peixoto on voit des personnes jouer avec des animaux. Lors des fêtes votives qui ponctuent le calendrier estival des villages du Languedoc, moyen de perpétuer la tradition taurine, on réveille les fiers-à-bras et les bêtes dont les membres se sont engourdis durant l’hiver. Les gardians à chevaux sortent les taureaux des enclos, enclos qui les protègent habituellement des humains, puis les acheminent par camions dans les ruelles où ils sont lâchés. Derrière des barrières les gens se protègent au passage des taureaux. Tandis que les plus fous s’interposent, et provoquent l’animal dans l’unique but d’en stopper la course. Cela s’appelle une enciero.
Originaire de cette région, j’ai, comme Marine, connu le folklore des taureau-piscines, des abrivado ou autres bandido. Nul besoin pourtant d’avoir gouté à tout ça pour trouver que dans cette série de photos, sous la bannière du folklore international, ce sont toujours les mêmes rites qu’on organise. Ici, à Saint-Gély-du-Fesc : se promener torse nu, rire fort, braver les taureaux, cerne d’un autre contour la farce du Naadam en Mongolie, ou encore des cérémonies de Teotihuacán au Mexique. Ce phénomène « devenir magique comme Johnny » est semblable dans toutes les strates de toutes les sociétés de la planète, et pour raccourcir la longueur de ma thèse sociologique, je dirais que chez l’être humain débute à douze ans la vie d’histrion qu’il s’est inventé. Pour preuve : celles et ceux qui désirent passer d’une réalité à une autre en Hérault ou dans le Gard ont jusqu’à cet âge pour devenir adultes. Dès lors, ils empruntent les apparats plus ou moins significatifs d’une tradition taillée au bulldozer, et pour en garantir la couleur Camargue, enfilent un smartphone dans la chaussette, qui, bien qu’il y ait une raison à cela pendant la campagne municipale, est ôté le reste de l’année. Ces ambianceurs du faux-sérieux je les croyais tout d’abord souverains. Par la suite je les ai connus faibles, démunis, dépossédés de toute richesse, et n’ayant pas le courage de les conserver dans mon coeur, je m’en suis détourné. Maintenant si je rentre petit au pays, c’est grâce au travail retenu que nous livre Marine. Ces photos veillent sur des habitants qui veulent être heureux le temps d’une fête, elles sont en l’état des objets d’une grande simplicité. Les choses qui apparaissent, demeurées pures, se détournent de toute ambition ; les observer reviendrait presque à en détourner le sens. Sûr alors, que toute cette population est en réalité merveilleuse, et que comme une forêt, il ne faut pas critiquer ce qu’elle fait, mais seulement regarder ce qu’elle est.
Pierre-Guilhem