Dans un moment précipité
pour un travail quelque peu ingrat, dans un lieu qui à choisi d’employer du personnel pour la
particularité des prénoms, et aussi pour leurs compétences technique —
ainsi Pat’, Nico, Did’ et Philippe exercent dans le milieu depuis près de
quinze ans— j’abandonnais ma tâche en cours pour me lancer dans une opération
qui réclamait huit clous et un marteau. Dévoué, j’entrepris d’assembler deux
éléments avec les moyens dudit bord sans oser imaginer trouver le nécessaire,
je m’étais déjà préparé à enfoncer une vis à l’aide d’un bol ou d’une tasse et
me dirigeais déjà en direction de la cuisine, quand Pat’ m’invita à le
rejoindre jeter un œil du côté de l’atelier : le matos, qui sait, pouvait
s’y trouver. On apprend en travaillant que le matériel professionnel, qui est en
réalité destiné à l’usage des amateurs, est introuvable dans les institutions.
Je ne me faisais donc pas d’illusion lorsque je balayais mon œil jeté sur l’établis :
rien ne pouvant s’y trouver puisque tous les déchets du lieu y avaient été accumulé.
Pourtant on trouva, et je repartis à l’assemblage avec ce que l’on peut s’imaginer
sortir de là : un demi marteau, et une boite contenant huit clous bizarres,
ceux qui projettent notre rêverie à l’intérieur des usines de fabrication, et
nous font imaginer à quoi ressemblaient les réseaux de distributions d’outillages
en Europe 1993.
Je plante les clous, c’est
cool : tout le monde est satisfait. Après c’est comme d’hab’, il faut tout
ranger.
Sur le chemin de l’atelier
je choisis un vieux coin pour déposer mes affaires à la hâte. Là, le temps a
laissé des pièces de métal usinées rongés par la rouille se faire recouvrir de poussière, le
plastique des câbles électriques posés sur des carrés de moquette noire suinte,
et là aussi pousse la poussière. Sur ce tas que personne n’a envie de voir, car
sinon il faudrait le ranger, fleurissent les bandelettes jaunes du scotch
double face portés par des courants, de fins emballages, des rondelles tombées des poches, et beaucoup
d’autres effets susceptibles d’être poétisés.
Deux clous qui m’échappent
tombent, je ne les ramasse pas. Le boulot est fait, l’urgence est partout, peut
importe qu’ils soient perdus. Les prochains qui comme moi devront assembler des
machins devront innover.
Cette idée m’interrompt,
car il ne s’agit pas d’une idée. C’est l’expression d’une économie d’énergie
qui s’est traduite par une excuse bidon. Les prochains j’insiste, c’est pas
grave, mais moi, avant la fin de la journée on va me demander milles choses, et sur ces milles choses une au moins va
solliciter deux clous. Je les ramasse et les mets dans une boite.