Le menteur en cape.



Il y a quelques jours j’étais à Reims pour travailler sur le décor du prochain opéra de Guillaume Vincent. 
Le soir, en mangeant mon sandwich (je dis « mon » car une fois qu’il a été payé, il en devient ma propriété), je trainais des pieds l’air décontract en vue de m’offrir du bon temps. Alors que je n’en étais pas informé, une  fête médiévale se tenait au pied de la cathédrale.
Il y avait des gens  attablés à des reconstitutions de banquet et, croyant que ce devait être ça « manger » au moyen âge, ils portaient de beaux costumes du Seigneur des anneaux. Les plats avaient l’air bons, et l’odeur magique de paille disposée partout par terre comme avant, m’emportait loin de là.
Un homme en cape est sorti d’une tante ou étaient exposés des haches, des couteaux, et des épées —ce devait être un forgeron— il buvait dans une tasse en grès qui m’a tout de suite interpelée.
Mon frère qui aime le roquefort, et ma mère qui n’est pas la dernière pour acheter les nouveautés de supermarchés, ont été les premiers sur le coup ; voici de quoi il s’agit.
Il y a quelques années la marque Société avait innovée en inventant la Crème de Roquefort. Ce produit avant d’être conditionné tel qu’il est aujourd’hui, était vendu dans des tasses en grès marron. Nous en avions quelques une à la maison que je ne touchais pas —c’était pour le café et je n’en buvais pas encore— mais je me souviens très bien de l’impact marketing sur la famille.
Non seulement on trouvait ça beaux chez nous puisque nous en avions un petit nombre, mais cela faisait des heureux de toute part. Mon père avait un cadeau, par ce cadeau ma mère justifiait sa dépense risquée, et mon frère mangeait du Roquefort.
Aujourd’hui, en simple observateur qui n’a jamais porté à ses lèvres de contenant en grès mais qui sait voir ce qui rend les gens heureux,  je peux certifier que le forgeron buvait dans un vieux cadeau offert par la maison Société et non dans un récipient médiéval.